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http://www2.lactualite.com/valerie-borde/2011-12-15/neurosciences-au-tribunal-pas-si-vite/Le blogue de Valérie Borde
Neurosciences au tribunal : pas si vite!
Publié dans : Science et société, Sciences sociales
15 décembre 2011
Peut-on utiliser l’imagerie cérébrale ou l’analyse de marqueurs génétiques de traits de personnalité ou de troubles psychologiques pour accuser ou innocenter des criminels?
Selon la Royal Society britannique, le système judiciaire et les scientifiques devraient se montrer beaucoup plus prudents à cet égard, alors que le recours à de telles preuves continue de se développer rapidement à travers le monde.
Dans son rapport Neurosciences and the law rendu public cette semaine, la société savante identifie de multiples raisons pour lesquelles le recours aux neurosciences dans les tribunaux lui paraît encore largement abusif.
Du point de vue scientifique, on est encore loin du jour où l’on pourra relier de manière certaine l’activité du cerveau dans certaines zones à des comportements bien précis, rappelle-t-elle.
La plupart des connaissances ont été acquises dans le cadre d’études en laboratoire. Mais les chercheurs ne peuvent étudier que des modèles de comportements très simplifiés, qu’il est encore difficile de traduire par des connaissances sur ce qui se passe dans la «vraie vie».
En outre, compte tenu des énormes différences interindividuelles, les études fournissent seulement des résultats moyens, basées sur l’analyse de plusieurs personnes. Ce ne sont en aucun cas des normes auxquelles on peut ensuite comparer un individu bien précis.
Le cerveau, qui plus est, change à chaque instant. Faire passer une IRM fonctionnelle à un individu quelques mois après son crime présumé n’a tout simplement aucun sens.
De même, on connaît pour l’instant très peu de gènes directement associés à des comportements potentiellement criminels, et l’analyse de gènes de susceptibilité, qui peuvent avoir été grandement modulés par l’environnement, ne permet pas d’amener des preuves solides.
Mais surtout, selon la Royal Society, les neurosciences ne font généralement qu’établir des corrélations, et non des liens de cause à effet.
En résumé, les neurosciences ne sont pas faciles à comprendre ni à interprêter, encore moins pour ceux qui ne sont pas des spécialistes.
Or les avocats et les juges n’ont aucune formation dans ce domaine, pas plus que les spécialistes en neurosciences n’ont de connaissances sur les multiples implications judiciaires potentielles de leurs découvertes, note la Royal Society.
Tant que ce manque de formation de part et d’autre n’aura pas été comblé, la plus grande prudence devrait s’imposer.
Aux États-Unis seulement, le nombre de procès où des spécialistes en neurosciences sont intervenus a doublé entre 2005 et 2009.